Annie François : Bouquiner

Bouquiner, autobiobibliographie par Annie François

Annie François : BouquinerAnnie François : Bouquiner, autobiobibliographie. – Paris : Points (collection poche P1045), 2012. – 199 p. – ISBN : 9782020564779

Editrice pour la maison Seuil, Annie François a fait de sa passion son métier. Dans cet essai, elle passe en revue ses habitudes de lecture qui sont aussi parfois les nôtres.
Avec de courts chapitres d’un style enlevé, drôle, parfois intime comme un journal, elle témoigne de sa dépendance aux livres : ses achats compulsifs, sa hantise de prêter un livre, l’odeur des livres et la méthode de classement de sa bibliothèque ou plutôt son absence de méthode.
L’autre addiction d’Annie François était la cigarette (sujet de son essai « Clopin- clopant« ). Un vice autrement plus nocif qui l’a emportée en 2009. C’est bien dommage car elle aurait sûrement eu beaucoup à dire sur les blogs littéraires, le livre électronique, le métier d’éditeur.
Curieusement, au moment de la rédaction de cet article, la place qu’occupent les bibliothèques dans notre vie, fait l’objet d’un long article dans le Figaro Littéraire du 25 septembre 2014 : Dis-moi comment tu ranges ta bibliothèque et je te dirai qui tu es… Je ne trouve pas que l’article réponde vraiment au titre du dossier, en revanche, il donne plusieurs pistes de lecture d’ouvrages sur ce même sujet.
A suivre donc pour de prochaines chroniques.

Quelques citations

Cette citation met en appétit et résume bien le livre d’Annie François, un livre sur une lectrice acharnée dans laquelle les bons lecteurs pourront se reconnaître, qui donne envie de bouquiner et qui ferait presque rêver à l’idée de ne faire que ça !

En matière de livres, il y a mille approches, mille accroches : un auteur, un pays, une rencontre, un genre, des circonstances, un format, une humeur, une saison, une maison, etc. Tant de choses. Tout est prétexte. Rien n’est indifférent. (p. 90)

Ce n’est pas ma pratique mais c’est un extrait qui traduit bien l’humour de l’auteur. Curieusement chez les bibliophiles, certains sont des annoteurs acharnés, tandis que d’autres n’osent même pas laisser un marque page.

Marque page.  Malgré ces déboires, rein ne me fera adopter un marque-page et jamais je ne cornerai mes livres. Pas question non plus de les annoter. Or j’ai parfois besoin de repères. Donc, en marge de la ligne fautive ou de l’expression mémorable, je donne un coup d’ongle appuyé. Et passe pour folle quand, inclinant mon bouquin en tous sens, ou le tâtant du bout des doigts tel le lecteur de braille, j’essaie de déceler le trait embouti dans l’épaisseur du papier. (p. 13)

J’ai choisi cet extrait pour la riche succession des termes de gestion de bibliothèque qu’elle soit publique ou privée. Cette liste est tellement belle qu’elle pourrait, j’en suis sûre être mise en musique. Un petit air de jazz bien rythmé ou alors un slam bien urbain…

Bibliothèque publique. Quoi qu’on fasse, les livres stagnent alors que, dans une bibliothèque publique, ça va ca vient ça bouge ça circule. Triés, classés, étiquetés, répertoriés, rangés, pris et rendus, attendus et convoités, ils passent de main en main, se patinent, s’usent, s’amollissent, se culottent, atterrissent à l’atelier de rénovation, sont remis en circulation, cent fois raboutés, reliés, recollés, rentoilés, scotchés, recouverts avant d’échouer au rebut. Récupérés par des chiffonniers, des clodos. (p. 25)

Point commun avec le livre de Jacques Bonnet : Des bibliothèques pleines de fantômes, l’auteur envisage la PAL (Pile A Lire) menaçante !

Achats. Je n’y vais que quand j’ai un titre en tête. Même dans ce cas, je ressors avec au moins trois livres. Sinon, comme le boulimique évite la devanture des pâtisseries, je me détourne de la vitrine des librairies pour éviter les fringales d’entraînement, les achats compulsifs qui ne feraient qu’augmenter l’immense pile d’attente qui vacille près du lit : sûr, les ouvrages se vengeraient en me dégringolant dessus pendant mon sommeil. (p. 39)

Evidemment, je ne pouvais pas passer à côté de celle-ci :

Odeurs. Un jour, je suis restée aux aguets dans le maquis corse, reniflant à tout petits coups pour isoler…quoi au juste ? Ca, cette odeur ! Menthe, myrte, genièvre ? Peut-être. Mais, surtout, sans aucun doute, l’odeur de mon exemplaire d’Un rude hiver. (p. 48)

Rangement : tiens ça me parle !

A part le tas-du-lit, après lecture, les livres devant monter ou descendre obstruent les marches de l’escalier le plus proche (p. 111).

Et une dernière citation pour mes amis graphistes et pour ceux qui voudraient relever le défi du détournement de code-barres. Dans ma pratique professionnelle, le code-barres est bien pratique. En le scannant avec une douchette, et grâce au protocole Z39.50 je récupère une partie des informations bibliographiques de l’ouvrage que je n’ai pas à saisir dans mon catalogue documentaire. C’est aussi un bon moyen de recherche sur internet. J’imagine que l’auteur du livre ne pratiquait pas ce genre de manipulation ce qui explique sûrement son aversion du code-barres.

Code-barrres. Aujourd’hui tous, tous sont frappés du code-barres qui rabaisse ces objets, petits et grands, ordinaires ou luxueux, au rang de marchandises.
Or le livre à mes yeux ne saurait être une marchandise. J’écume de la voir affublé de cette herse qui plombe les dos de couverture, affiche le triomphe des gestionnaires sans concession à l’esthétique. Pourquoi aucun graphiste n’est-il parvenu à l’apprivoiser, l’intégrer, le détourner (quand même, Jean Pie me dit l’avoir vu transformé en cage et Ochas en Parthénon grâce à un petit toit en triangle) ? Personnellement, sur un livre offert, je l’ai deux fois métamorphosé en zèbre. Et je l’imagine très bien encadré de deux éléphants en guise de presse-livres. (p. 60)

A vos bouquins et bonne lecture !

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Publié le 01/10/2014

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