Le code a changé : les dames de l’algorithme

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-code-a-change/le-code-a-change-6-5342040

C’est un podcast qui date de janvier 2024 que j’ai écouté en voiture lors d’un trajet long en février 2024.

Je l’avais partagé auparavant sur LinkedIn sans l’avoir écouté. J’ai tellement adoré que j’ai voulu en faire un petit article ici avec mon ressenti et pour en garder une trace car c’est un moment fort de mon année 2024.

Je dois commencer par dire que je suis une radiophile convaincue et que je suis très sensible à la qualité des émissions du groupe Radio France.

Ce qui m’a frappé dans ce podcast c’est que j’ai eu comme une sorte de synthèse de ma vie professionnelle sur 8 ans avec quelques perspectives sur les 8 années à venir. Comme un moment charnière de carrière.

Le podcast commence par la loi Lemaire du 7 octobre 2016 et tout particulièrement ses articles 20 et 21 qui concernent le principe de mise en open data des décisions de justice.

L’Etat souhaite mettre à disposition l’intégralité des décisions de justice, soit 4 millions par an à terme. Reste à trouver l’organisation, le cadre de cette mise à disposition.

Puis on attaque l’anonymisation des décisions de justice vers 2018 et c’est là qu’interviennent les dames de l’algorithme. L’anonymisation est plus compliquée qu’il n’y parait. Il faut faire intervenir l’IA en apprenant au logiciel à anonymiser en le nourrissant d’une grande quantité d’exemples.

Au cœur du programme d’entraînement, on trouve une équipe d’annotatrices qui annotent en série des milliers de décisions de justice, des femmes de l’ombre, des fonctionnaires catégorie C.

Elles réalisent un travail fastidieux en isolant dans les décisions de justice les termes identifiants et en essayant de tout faire entrer dans des catégories d’un guide d’anonymisation. Elles donnent corps au processus d’anonymisation.

Ces femmes qui corrigent la machine gardent en tête les personnes derrière les décisions de justice. L’humain est donc partout.

Face à un réel est trop mouvant, trop complexe, pas toujours prévisible, il faut donc des humains qui mettent en forme l’information et qui font des choix.

Ce que j’ai aimé :

  • La plongée au cœur d’un travail invisible mais indispensable : l’entraînement d’une machine.
  • La valorisation des femmes et de l’humain ; enfin les petites mains sortent de l’ombre ! C’est même une sorte de revanche.
  • La perspective d’un humain qui garde la main sur l’IA.
  • Je ne pense pas être féministe dans l’âme mais il y a dans ce reportage quelque chose qui touche au girl power ; ça fait du bien.

Difficile de résumer un échange si riche. J’ai trouvé ce podcast profondément réconfortant. A l’heure où l’IA menace sérieusement notre profession de documentaliste/veilleur, j’ai apprécié que l’on souligne à ce point le rôle de l’humain dans l’organisation des bases de données, ici une base de données publique de jurisprudences, donc un exemple qui est au cœur de mon quotidien depuis toujours. Ce témoignage de solidarité femme/machine apprenante m’a fait un bien fou !

Cette émission est basée sur une interview de Camille Girard Chanudet, chercheuse dont la thèse a servi de fil conducteur.

Camille Girard-Chanudet. La justice algorithmique en chantier. Sociologie du travail et des infrastructures de l’Intelligence Artificielle. Sociologie. EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), 2023. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-04398889⟩

La thèse est disponible sur HAL : https://hal.science/tel-04398889

Vous pouvez aussi en savoir plus en consultant :


Crédit photo : Gallica

Print Friendly, PDF & Email

Publié le 11/03/2024