Les blogs juridiques et la dématérialisation de la doctrine
Les blogs juridiques et la dématérialisation de la doctrine, actes de la journée d’étude organisée par le Centre de Théorie et Analyse du Droit le 16 juin 2014, sous la direction d’Anne-Sophie Chambost, chez LGDJ (collection Contextes), 2015. ISBN 978-2-275-04573-3
Pour acheter l’ouvrage : http://www.lgdj.fr/les-blogs-juridiques-9782275045733.html
Je vous laisse le soin de savourer le résumé de l’éditeur, avides que vous êtes d’en savoir plus sur cet ouvrage !
Résumé fourni par l’éditeur :
Par le rapport spécifique que le droit entretient avec l’écrit, le juriste ressemble parfois à un documentaliste juridique, avide des documents qui nourriront son raisonnement. Davantage sans doute que les autres sciences, le droit nourrit (et se nourrit) en effet une relation étroite au texte, et une importante production d’écrits est à la base de la science juridique (lois, normes, décisions de justice, œuvres de la doctrine…). Or si la littérature scientifique se penche volontiers sur la documentation juridique en général (voir les recherches récentes menées sur les genres doctrinaux, les manuels de droit ou les revues juridiques), elle n’abonde encore que peu au sujet de la documentation juridique électronique : la doctrine commence ainsi à peine à se pencher sur la thématique spécifique de sa dématérialisation.
Si la doctrine reste généralement définie comme une publication éditoriale, il convient sans doute de prolonger la question des supports de la doctrine, laissée en suspens en 2004 par Philippe Jestaz et Christophe Jamin (La doctrine, Dalloz) ; ces auteurs négligeaient en effet la distinction du papier et du numérique, au motif que ce dernier n’avait apparemment pas modifié les genres doctrinaux. Dans un contexte de développement de la numérisation de la documentation juridique, et face à la dématérialisation de la doctrine, l’audience toujours plus forte de certains blogs et la façon dont les institutions judiciaires se sont désormais dotées de sites web, n’oblige-t-elle pas à reconsidérer cette affirmation ? Type spécifique de site web ou composante d’un site plus général, le blog est en effet utilisé à fin de publication d’informations régulières, sous forme d’articles ou de billets généralement succincts, et rendant compte d’une actualité autour d’un sujet ou d’une profession donnés. Face à la prolifération des blogs juridiques, dont l’audience ne semble pas devoir se démentir, l’ambition de ce nouvel ouvrage de la collection Contextes. Culture du droit est de prendre la mesure du rôle que ces supports numériques jouent dans les évolutions actuelles de la doctrine, et de suivre l’évolution de l’écriture du droit à travers le développement de la dématérialisation de la doctrine.
Sous la direction d’Anne-Sophie Chambost, avec les contributions de Pierre-Nicolas Barenot, Hannah Birkenkötter, Hervé Croze, Gilles Devers, Yann-Arzel Durelle-Marc, Gilles J. Guglielmi, Edith Guilhermont, Geneviève Koubi, Roseline Letteron, Jean-Paul Moiraud, Vincent Ramette, Caroline Regad- Albertin, Nicolas Rousseau, Serge Slama, Maximilian Steinbeis et Marie-Andrée Weiss.
Pour consulter le sommaire détaillé et pour visualiser à l’écran l’avant-propos d’Anne-Sophie Chambost qui constitue une synthèse de l’ouvrage :
Mes impressions :
Ce n’est pas un ouvrage qui étudie le blog juridique sous ses aspects marketing et communication mais le professionnel qui envisage de devenir blogueur juridique pourra y trouver de nombreux arguments.
Sont abordés :
- La place du droit et du juriste dans l’espace public médiatique
« Celui-ci (le blog) permet en effet de se faire une place dans un espace public médiatique dont le juriste n’apparaît pourtant plus forcément comme une figure incontournable ; en rendant sa matière moins aride, le juriste blogueur tient sans doute un moyen de reconquérir l’espace public…» (p. 7).
Voir notamment les propos de Gilles sur le rôle du blog pédagogue ou de la doctrine de vulgarisation (p. 101).
- La liberté d’expression du blog versus l’esprit formaté des publications traditionnelles
« Les blogs sont associés à la liberté d’expression, que n’offriraient plus forcément les circuits classiques de diffusion éditoriale des connaissances : le ton des revues est formaté, alors que le style varie d’un blog à l’autre, d’une écriture objective à un parti pris d’écriture subjective et personnelle. » (p.11)
- L’interactivité du blog favorisant le développement d’une doctrine à plusieurs mains
« Ils (les blogs) sont avant tout des carnets de bord sur lesquels on teste des idées et des hypothèses, qu’on améliore ensuite à partir des commentaires et des critiques » (p.14)
- La complémentarité ou la concurrence entre blogs et revues juridiques
« Le blog est un marqueur en temps réel d’évolutions que les articles de revues viendront ensuite confirmer ou infirmer. » (p. 19)
Voir également le chapitre entier consacré à ce sujet Le point de vue d’un éditeur sur la dématérialisation de la doctrine : le cas des blogs juridiques par Vincent Ramette.
Si l’on est déjà blogueur juridique soi-même, cet ouvrage donne une vue d’ensemble de la blogosphère juridique et de ses motivations ainsi qu’une incitation à persévérer car croyez-moi, si l’on souhaite tenir sur la durée, il faut régulièrement se remotiver. Le blog juridique n’est jamais évoqué aussi longuement dans les revues juridiques ou même sur internet. La compilation des actes de la journée d’étude en donne une photographie actuelle, vivante et contrastée.
Si l’on envisage de se lancer dans l’aventure du blog juridique, on trouvera dans cet ouvrage des motivations et des conseils autres que techniques. Cette étude donne du sens à l’investissement personnel nécessaire dans le fait de tenir un blog juridique.
Pour tous ceux qui enseignent la matière juridique, cet ouvrage est aussi un moyen d’attirer l’attention sur cette nouvelle source d’information juridique.
D’autre part, je ne suis pas la seule à penser qu’un blog juridique est un moyen de se distinguer de la masse des 65.000 avocats français (ou 25.000 avocats parisiens) car plusieurs intervenants abordent ce point dans le livre. Il est temps d’en informer les étudiants juristes.
Pour le monde de l’édition juridique, il ne fait pas de doute qu’il faudra désormais compter sur les blogs juridiques et que ceux-ci par leur gratuité, leur instantanéité et leur diffusion via les réseaux sociaux, empiètent sur le terrain des revues papier et les offres numériques des éditeurs traditionnels.
Enfin pour qui a déjà un blog juridique, cet ouvrage est d’une lecture qui fait du bien, certes légèrement nombriliste mais essentielle pour entretenir la flamme, si j’ose dire. Les témoignages sur l’envers du décor d’un blogueur (juridique ici) sont rares en dehors des conseils techniques ou conseils en rapport avec l’écriture et le référencement qui foisonnent sur internet.
J’ai personnellement adoré tous les témoignages complémentaires et éclairants des blogueurs Roseline Letteron (liberté, libertés chéries), Gilles Devers (Les actualités du droit), Nicolas Rousseau (Les chevaliers des grands arrêts) et Yann-Arzel Durelle-Marc (Nomôdos).
On y parle de motivation, de rencontre entre l’auteur et son lecteur, de méthodologie dans la recherche des sujets ou dans la recherche d’un nom de blog, de vulgarisation et de démocratisation de la connaissance du droit, de tout ce qui fait la richesse de l’activité de blogueur.
Pour une approche marketing complémentaire, voir le Livre blanc sur le marketing digital pour les avocats de l’agence 1MIN30 qui fait l’objet d’un billet récent.
En prenant l’ouvrage en main, je m’étais dit que je ferai peut-être l’impasse sur la quatrième partie qui donne quelques exemples de blogosphères étrangères. Il ne faut pas ! Non seulement le droit comparé appliqué aux blogs juridiques est passionnant mais on y parle aussi des raisons de l’indifférence et de défiance à l’égard des blogs (donc une vision réaliste).
Je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage d’autant plus que l’été est propice à la réflexion et la rentrée propice aux bonnes résolutions. Et si vous teniez un blog juridique ?