Article publié en mars 2024. La date est importante ici car l’état de l’art évolue tellement vite que cet article pourrait être complètement obsolète d’ici quelques mois.

En attendant…

La commercialisation des options d’IA génératives chez les éditeurs pose encore beaucoup de questions.
Cet article n’a pas vocation à répondre à toutes les interrogations mais à soulever des questions sur la mise en place de l’IA générative chez les éditeurs juridiques.

Être bêta-testeur, oui mais à quel prix ?

Des clauses de confidentialités visiblement abusives. L’aspect très chronophage des réunions. Mon jus de cerveau, mon image, ma marque ou celle de mon employeur, gratuitement offerts à un éditeur pour son développement commercial. Une impossibilité absolue d’échanger avec mes collègues pendant plusieurs années contre le privilège de pouvoir corriger un robot qui hallucine. Non merci !

Quelles seront les principales fonctions développées ?

  • La fonction de recherche boostée ?
  • Les fonctions d’analyse ?
  • Des résumés de jurisprudence ou autres résumés ?
  • Des analyses, des questions sur nos propres documents ?
  • Des rédactions de courrier, articles, notes ? Un assistant de rédaction.
  • De la traduction ?
  • Du contenu audio ?

Certaines de ces fonctions seront-elles offertes alors que d’autres seront payantes ?

Le modèle économique

Une option à payer en plus du coût des abonnements actuels.

Sommes-nous prêts à payer cette option chez tous les éditeurs et pour l’ensemble de notre structure ?

Comment choisir chez qui investir ? Pourrons-nous tester en interne avant de décider de l’utilité de l’option ?

Quid de la démultiplication des coûts sachant que les structures vont aussi développer leur propre IA générative en interne ? Ou peut-être mettre en place des cellules innovation avec des experts.

Quelle est la différence entre une vidéo de présentation préparée et jouée sur un cas probant avec une invite qui correspond bien aux réglages de la machine avec l’usage qui sera fait par des juristes qui utilisent leur langage habituel de recherche ?

Faudra-t-il prévoir d’acheter également des modules de formation à l’art du prompt pour les juristes peu habitués à faire des recherches en langage naturel ?

L’apprentissage des stagiaires ou des jeunes juristes

Le stagiaire apprend en effectuant des recherches. Parfois c’est fastidieux mais cela fait partie de son apprentissage.

Quid de l’apprentissage des stagiaires si le robot réalise la recherche et une première interprétation de la recherche à sa place ? Comment former les juristes du futur ? Comment développer leur sens critique et leurs compétences ?

Si l’IA ouverte remplace l’apprenti en libérant du temps pour que le maître/expert se concentre sur les tâches à forte valeur ajoutée, comment formerons-nous les prochaines générations de maîtres ou d’experts ?

Source : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lia-changera-votre-travail-elle-ne-le-volera-pas-2083975, 20 mars 2024, sur abonnement

L’apprentissage de l’IA à l’université ?
Des cours de prompting ? Sachant qu’il n’y a jamais eu véritablement de cours de recherche juridique et de veille juridique à l’université. Ne faudrait-t-il pas tout simplement commencer par la base (ET, OU, SAUF) pas toujours acquise ? [Voir à ce sujet mon article]

Bis : Faudra-t-il prévoir d’acheter également des modules de formation à l’art du prompt pour les juristes peu habitués à faire des recherches en langage naturel ?

Confidentialité et IA

Les données fournies à l’IA d’un éditeur seront-elles bien protégées ? Leur confidentialité sera-t-elle bien assurée ? Comment s’assurer qu’elles ne serviront pas à entraîner les algorithmes au bénéfice d’autres clients ? Quid des prompts des avocats et stagiaires pendant une période de test ?

Voir sur ce sujet : Les enjeux de l’utilisation de l’IA en matière de PI : focus sur les oeuvres utilisée pour entraîner les IA par le cabinet FERAL, 5 mars 2024

Fiabilité et IA

Cette option est-elle 100% fiable, 80 % fiable, moyennement fiable ?
L’éditeur compte-t-il sur moi (mon jus de cerveau) pour la fiabiliser ?

Les droits d’auteur

Quels seront les droits d’utilisation des réponses aux questions posées via l’IA générative ? Les réponses pourront-elles être intégralement reproduites par l’utilisateur puisqu’elles sont générées par un robot  ?
L’éditeur autorisera-t-il le droit de réutiliser le contenu généré pour les fins envisagées ? L’éditeur fournira-t-il une garantie contre les atteintes aux droits des tiers provoqués par les contenus générés par son IA ?

Voir à ce sujet : Contenus générés par une intelligence artificielle : qui détient quels droits ? par le cabinet FERAL, 19/03/2024, article signalé par Jean Gasnault

Une charte éditoriale chez les éditeurs ?

Quel usage sera fait par les éditeurs de l’IA générative pour alimenter leur base en contenu ? Peut-on craindre de voir des contenus entièrement rédigés par une IA (donc un contenu à moindre valeur ajoutée ?)

Une uniformatisation du contenu avec un style chat-GPT ? Si vous avez fait des tests, vous devez vous aussi connaître ce style.

On constate déjà l’utilisation de l’IA générative pour certaines parties des articles, résumé chez l’un, titraille chez l’autre. Faut-il s’attendre à du contenu rédigé intégralement par l’IA, des fiches de synthèse, des brèves d’actualité, des notes, des articles ?

Autrement dit pour quel jus de cerveau payerons-nous ? Celui d’un humain ou d’un robot ou plus vraisemblablement une combinaison des deux ?

Les éditeurs adopteront-il une charte éditoriale pour rendre des comptes sur leur usage de l’IA générative ? A l’instar de ce qui se prépare pour les titres du Groupe Le Monde ou des Echos.

Le groupe Le Monde se dote d’une charte sur l’intelligence artificielle, Le Monde, 13 mars 2024, article signalé par Michèle Bourgeois, sur abonnement.

Le document pose un cadre strict à l’utilisation de l’IA par les titres du groupe de presse tout en rappelant que les intelligences artificielles génératives « ne peuvent en aucun cas se substituer aux équipes éditoriales ».

IA générative : le groupe Les Echos – Le Parisien se dote d’une charte, Les Echos 24 mai 2023

Le groupe média s’engage à ne pas utiliser des intelligences artificielles telles que ChatGPT ou Midjourney dans la production de ses contenus, sans supervision humaine. Cela concerne le texte, l’image et la vidéo.
https://pressroom-lesechos-leparisien.com/ia-les-engagements-du-groupe-les-echos-le-parisien/

Conclusion

En conclusion, face à l’engouement provoqué par les solutions d’IA génératives, il est prudent de prendre des précautions et de veillez à l’équilibre des clauses contractuelles qui vont nous lier aux éditeurs qu’ils soient éditeurs juridiques ou fournisseurs d’autres applications qui intègrent de l’IA générative.
L’IA act européen devrait aussi apporter quelques réponses ou des orientations.

Voir aussi

https://www.serendipidoc.fr/ia-generatives-et-editeurs-juridiques/

Les chartes éthiques, les bonnes pratiques

Cette partie a été ajoutée après la publication de l’article suite aux commentaires postés sur LinkedIn. Le travail de softlaw autour de l’IA a déjà commencé. Des chartes de bonnes pratiques ou d’éthique existent déjà ou sont en cours d’élaboration. Ces documents répondront en grande partie aux questions listées dans l’article.

Dix cabinets d’avocats adhèrent à la charte de Predictice pour une utilisation responsable de l’IA générative, Le Monde du droit, 20 février 2024

Openlaw.fr : la saison IA et Economie numérique du droit bat son plein avec un encart sur la construction d’un référentiel de bonnes pratiques


Article mis en ligne le 25 mars 2024 – Modifié le 28 mars 2024

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Publié le 25/03/2024