Le doctrinal c’est…

Une formidable base bibliographique en droit qui aura 30 ans en 2023, autrement dit qui existe depuis 1993 et que certains ou certaines documentalistes utilisent depuis cette époque.

Un outil collaboratif bien avant que ce terme ne soit à la mode; le doctrinal a été pensé par des documentalistes (innovants) qui ont senti à l’époque que chercher de la doctrine individuellement dans les tables papier des revues ou dans des embryons de bases de données juridiques des années 90 était trop chronophage et peu performant.

Le Doctrinal compte plus de 200 clients, 70 % public et 30 % privé, à noter 15 % des clients sont étrangers.

Un merveilleux index de bibliothèque qu’elle soit papier ou électronique. A mon sens, le meilleur point de départ pour faire une recherche thématique ou doctrinale en droit, pour trouver des commentaires de jurisprudences, pour trouver un commentaire de texte législatif, pour connaître la position d’un auteur.

Un produit atypique car multi-éditeurs et multi-rédacteurs. Le Doctrinal compte près de 600 000 notices (en 2022) avec un accroissement d’environ 20 000 notices par an, 250 revues juridiques dépouillées avec près de 200 revues vivantes.

C’est une base née sous disquettes puis CDROMS, qui a évolué en base de données en ligne, qui a connu les flammes de l’incendie des serveurs OVH en juin 2021 et qui a été racheté par Lexbase en décembre 2021. C’est sans doute à cause de cette longue histoire que le doctrinal a été porté par des passionnés tout au long de sa vie. Cet article leur est dédié.

Dans cet article, j’ai voulu m’intéresser aux coulisses du Doctrinal et j’ai posé quelques questions posées à Benoît Bréard, Responsable Documentation Shearman & Sterling.

Qui sont les intervenants derrière le doctrinal ?

Les cabinets d’avocats Shearman & Sterling et Gide, la Bibliothèque Cujas. La bibliothèque de l’Ordre des avocats intervient pour la partie Mélangial (base de mélanges).

Chez Gide, à Cujas et à la bibliothèque de l’Ordre, ce sont des documentalistes ou bibliothécaires qui font le travail de saisie des fiches bibliographiques, tandis que chez Shearman & Sterling, ce travail est assuré par des stagiaires juristes (en master) qui travaillent sous la direction du Responsable Documentation (Benoît Bréard).

Comme se déroule l’alimentation de la base ? Comment sélectionnez-vous les articles ?

Chaque structure dépouille un lot de revues.

La problématique est de définir qu’est-ce qu’une revue juridique ?

Par exemple, bien qu’Option Finance ne soit pas une revue strictement juridique, elle est dépouillée par le Doctrinal car elle contient des articles très prisés par les avocats.

La liste des revues dans le Doctrinal et présente sur la base, permet de prendre connaissance des titres dépouillés, qu’ils soit vivants ou morts.

L’autre problématique est de définir ce qu’est un article de doctrine. Il existe par exemple des chroniques thématiques avec plusieurs auteurs pas toujours faciles à découper ou des brèves d’actualité à haute valeur ajoutée. On pourrait dire qu’un article doit faire au minimum une page mais tout dépend du format de la revue et de l’intérêt stratégique de l’article.

Avez-vous un thésaurus commun, des consignes éditoriales ?

Il n’y a pas de thésaurus, il s’agit d’une indexation libre mais elle est faite par des documentalistes juridiques ou des stagiaires juristes. Par ailleurs, les notices sont toutes validées par une tierce personne.

Il existe depuis le départ un guide de saisie qui est régulièrement mis à jour. Certaines revues font l’objet de règles de saisie particulières.

Avez-vous un comité éditorial ? Si oui, quel est son rôle ?

Le comité éditorial se réunit régulièrement et évoque à la fois le contenu de la base (le fond) et son fonctionnement (la forme).

C’est le comité éditorial qui décide de l’intégration de nouvelles revues, des échanges de revues entre les différentes structures, de la mise à jour du guide de saisie. Ce comité est également à l’écoute des remontées clients.

Les évolutions du produit sont décidées en collégialité.

Des évolutions sont-elles attendues dans les prochains mois ?

Tout d’abord il faut continuer de consolider l’existant.

Il faudrait pouvoir reprendre les liens profonds vers le texte d’origine (sous réserve d’être abonné à la publication) avec les anciens partenaires (par exemple Dalloz, Lextenso) et avec de nouveaux partenaires.

Il est toujours question d’ajouter de nouvelles revues, notamment des revues numériques.

Idéalement, il faudrait pouvoir faire des liens entre les notices. Par exemple, si un colloque fait l’objet de plusieurs notices, il serait intéressant de pouvoir regrouper les notices entre-elles.

Un nouveau portail de consultation des statistiques est prévu.

Enfin de nouvelles fonctionnalités à très forte valeur ajoutée pour tous les utilisateurs sont attendues mais cette information est pour l’instant confidentielle.

Le complément d’infos

A Fabien Girard, j’ai aussi posé quelques questions et notamment son retour sur un an de reprise :

Au moment de la reprise, « nous avons repris une base informatique obsolète et instable, une ruine digitale non mise à jour et un abandon de la relation commerciale avec la plupart des clients. »

La situation au bout d’un an : « Rassurer les clients au premier semestre + sortie de la nouvelle plateforme hyper moderne en juin 2022 avec mise à jour régulière (stabilité, rapidité, actualisation) + nouveaux contenus (législation/ réglementation/ JP citée et JP Cass/CE/CAA/CA) »

Les projets pour 2023 : voir plus haut

Pouvez-vous me dire qui s’occupe du Doctrinal chez vous ?

« La DSI est entièrement mobilisée + l’ensemble des commerciaux ; le Doctrinal est un service à part entière pour Lexbase et entièrement intégré à notre chaîne de production comme Lexbase.fr »

Mise à jour – suite à la publication de l’article

Michèle Come : « A l’époque le fait que des cabinets d’avocats concurrents de la Place collaborent, et avec des structures publiques en plus, était tout bonnement révolutionnaire !  »

Pour finir, quelques acteurs historiques du Doctrinal

Merci aux anciens acteurs et acteurs actuels qui ont œuvré et œuvrent toujours pour que la base soit bientôt en mesure de fêter ses 30 ans.

Parmi les acteurs historiques, on citera :

Bernard Désolneux, ancien Directeur du temps de Thomson Reuters

Catherine Bernard Lefort, Responsable Commerciale du temps de Thomson Reuters

Laurent Dejestret, Responsable administratif et technique du temps de Thomson Reuters

Michèle Come et Vincent Ramette, Documentalistes juridiques pour le cabinet Berlioz, contributeurs historiques à cette époque.

Anny Maximin, ancienne Responsable de la Bibliothèque Cujas, contributeur historique lorsqu’elle était en activité

Jean-Marc Elsholz, Responsable documentation chez Shearman & Sterling à l’époque de la création du Doctrinal, contributeur historique à cette époque

Jean Gasnault, Responsable documentation désormais Consultant, contributeur historique du temps de Gide

Fabien Waechter, Président du conseil d’administration de LEXBASE


Merci à Benoît Bréard et Fabien Girard pour leurs éclairages sur les coulisses du doctrinal. Les données chiffrées ont été communiquées par Lexbase.

Crédit photo : Lexbase


Cet article est dédié à la mémoire de Catherine Bernard Lefort et de Fabien Waechter.

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Publié le 25/10/2022