Jacques Bonnet: Des Bibliothèques pleines de fantômes

Des Bibliothèques pleines de fantômes par Jacques Bonnet

Jacques Bonnet: Des Bibliothèques pleines de fantômes

 

Jacques Bonnet. – Des Bibliothèques pleines de fantômes. Paris : Arléa, 2014. – Collection Arléa Poche, n° 207. – 177 p.

Fantôme : Feuille, carton que l’on met à la place d’un livre sorti d’un rayon de bibliothèque, d’un document emprunté (Petit Larousse).

C’est autour de ce terme technique de bibliothéconomie que Jacques Bonnet a écrit un traité sur l’art de vivre avec trop de livres, en l’occurrence plus de 40.000 volumes.

Ce traité est riche en observations, anecdotes, citations et fantômes des personnages romanesques qui parfois prennent vie, au point parfois de dérouter le lecteur qui se retrouve confronté à une myriade d’auteurs cités souvent inconnus. Si l’on accepte cette coquetterie d’auteur érudit, c’est une drolatique plongée dans l’univers des bibliomanes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’ouvrage n’est pas réservé à un public travaillant dans les métiers du livre. C’est un très bel hommage rendu au livre papier qui réjouira tous les lecteurs, du bibliomane amateur au bibliophile le plus acharné.
Ce traité fait réfléchir sur le rangement de sa propre bibliothèque et sur nos appétits de lecture. Il aide aussi à déculpabiliser de certaines de nos manies ou tout simplement à déculpabiliser d’avoir une pile à lire (PAL) toujours plus haute.
Les problèmes de classement et d’organisation étant au cœur de l’ouvrage de Jacques Bonnet, je m’étonne juste qu’il n’ait pas eu l’idée de faire appel à des professionnels (bibliothécaires ou documentalistes) pour l’aider dans l’informatisation de son incroyable fonds documentaire. Je suis sûre qu’il aurait fait un maître de stage passionnant pur une armée de stagiaires bibliothécaires bénévoles !
Non seulement je vous recommande ce livre, mais vous pouvez l’annoter à loisir, puisque l’auteur vous y incite.

Quelques citations (les citations font référence à l’édition mentionnée ci-dessus)

Un livre que l’auteur vous invite à annoter

J’écris dans mes livres, au crayon, mais aussi au feutre ou au stylo. Je ne peux d’ailleurs lire sans quelque chose à la main. Habitude sans doute prise à relire des épreuves, le livre est plus un instrument de travail qu’un objet à respecter. [] Ecrire dans un livre aide à ma lecture, mais aussi à sa mémorisation et à une éventuelle relecture (je garde visuellement pendant des mois le souvenir approximatif de l’endroit du livre où se trouve le passage qui m’a frappé.[]Loin de ma bibliothèque, il m’arrive souvent de me sentir handicapé, comme amputé d’une partie de moi-même. []Des années après, grâce aux annotations et aux passages soulignés à la première lecture, le contenu de l’ouvrage me revient en quelques instants (pp. 87-88).

Bibliomane ?

Il a suffi d’adjoindre à cette curiosité infinie un certain esprit de système poussant à lire tous les livres d’un écrivain, et aussi tous les ouvrages consacrés à un sujet et la littérature d’une certaine époque, ou d’un pays, et de vouloir, au fur et à mesure, conserver les livres lus, et d’y ajouter les nouveaux parus s’y rapportant, et avec le temps d’accumuler les sujets d’intérêt, pour devenir un lecteur-bibliomane (pp. 50-51).

Sur le voyage (et quelque part aussi sur les Carnets de voyage)

Ah ! le bonheur après une journée dans une ville enfin visitée, de feuilleter, en fin d’après-midi, dans sa chambre d’hôtel, livres, cartes postales et prospectus destinés à sa bibliothèque, et qui donnent le sentiment réconfortant d’emporter quelques éléments matériels de ce qui est déjà du passé ! L’impression de sauvegarder quelques morceaux de temps envolés, alors que le reste, émotions et sensations de voyage, restera souvenirs volatils (p. 146).

Sur l’avenir du livre papier

Les facilités de consultation à distance et de téléchargement qu’offre internet, la possibilité de trouver, par un groupement de bouquinistes en ligne, un ouvrage épuisé dans n’importe quel endroit du globe, ou celle de commander, toujours en ligne, un ouvrage disponible à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, ne sont-elles pas en train de régler la question ? Si l’on tient compte, aussi, d’une spécialisation de plus en plus grande des champs de recherche et d’intérêts, ne peut-on s’attendre à voir disparaître – ou tout au moins se raréfier – les grandes bibliothèques généralistes de travail ? Il ne restera les collections bibliophiliques et les bibliothèques consacrées à un sujet précis, mais on peut parier que les lourdes et encombrantes bibliothèques généralistes de plusieurs dizaines de milliers d’ouvrages sont vouées à disparaître avec leurs fantômes. J’écris donc ce petit livre depuis un continent destiné à être bientôt englouti (pp. 56-57).

Aurais-je constitué la même bibliothèque si j’avais été de la génération internet ? Sans doute pas. [] Internet et la télévision généralisée ont chassé l’ennui qui a toujours été l’aiguillon le plus sûr de la lecture, mais peut-on le regretter ? Ensuite, la facilité à se procurer les livres à distance – qu’ils soient neufs ou d’occasion -, la mise à disposition des textes fondamentaux, la consultation des textes numérisés dans lesquels il est, par exemple, tellement plus facile de retrouver un passage précis, transforment inéluctablement le statut de la bibliothèque qui n’est plus qu’un moyen parmi d’autres d’accéder au savoir. Et du livre qui n’est plus qu’un moyen parmi d’autres, et pas le plus accessible, de se « divertir ». Mais le livre d’art, par exemple, ne sera pas touché par le phénomène. Même s’il y a de plus en plus d’images sur internet, il n’y a pas toujours celles que l’on cherche, et l’écran n’est pas vraiment adapté à la consultation simultanée du texte et de ses illustrations (p. 154).

 

 

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Publié le 18/07/2014

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  2. […] commun avec le livre de Jacques Bonnet : Des bibliothèques pleines de fantômes, l’auteur envisage la PAL (Pile A Lire) menaçante […]

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