Passion brocante, se renseigner sur un artiste du passé
Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis passionnée de brocantes.
Lors de nos sorties dominicales, nous faisons souvent de belles trouvailles. Parfois nous avons du mal à identifier un objet ou nous aimerions en savoir plus sur un artiste parce qu’il nous touche, nous évoque un souvenir ou un endroit qui nous est cher.
A l’occasion d’une vidéo publiée par le groupe veille de l’ADBS, j’ai eu la chance d’échanger avec Maïtena Horiot-Ortega, Responsable du Centre de documentation et de l’informatisation des collections du Musée Bonnat-Helleu à Bayonne.
Elle a elle-même constaté l’augmentation des demandes documentaires de particuliers souhaitant connaître la valeur de leurs objets pour s’en séparer :
« il y a un véritable engouement pour les brocantes et vides-greniers, popularisé par des émissions de télévision comme « Un trésor dans votre maison » ou « Affaire conclue ». Certains pensent avoir de véritables chef-d ‘œuvres…et il est parfois délicat de répondre, sans heurter la sensibilité du demandeur. D’autant, qu’il est parfois difficile de trouver un équilibre entre la valeur sentimentale et la valeur du marché. »
Partant de ce constat, nous vous proposons dans cet article de lister quelques pistes de recherches, certaines en accès libre, d’autres en accès réservé ainsi que des idées de démarches auxquelles vous n’auriez pas forcément pensé pour en savoir plus sur un artiste, un objet, pour démarrer une collection, pour valoriser ou expertiser votre collection ou éventuellement pour la revendre.
Rechercher sur internet
Google Lens : application à installer sur son smartphone, technologie de reconnaissance d’image (développée par Google) conçue pour afficher des informations pertinentes relatives aux objets qu’il identifie à l’aide d’une analyse visuelle. Fonctionne aussi sur des objets anciens et renvoie dans ce cas vers des sites d’antiquités, de brocanteurs, d’experts. Peut par exemple permettre d’identifier un objet similaire tout simplement pour savoir à quoi il sert.
Les market places
La première démarche consiste à consulter les sites de revente : eBay, Priceminister, Le Bon Coin. Sur ces sites on peut non seulement chercher mais aussi mettre une veille pour s’informer d’objets mis en vente.
Pour se renseigner sur un artiste
Benezit Dictionary of Artists : Le « Bénézit », du nom du marchand Emmanuel Bénézit auteur de la première édition en 1911, est le principal dictionnaire biographique d’artistes en français. Il comptabilise environ 170 000 peintres, sculpteurs et graveurs du monde entier, de l’Antiquité à nos jours. Une version en ligne et en anglais est disponible sur Oxford Art Online. Les notices, plus ou moins complètes, contiennent des informations sur l’artiste, ses signatures et monogrammes, des listes d’expositions et de ventes ou encore la localisation d’œuvres dans les musées.
Le lien : https://www.oxfordartonline.com/benezit
Pour les artistes contemporains, je recommande plutôt le Akoun (site : https://www.akoun.com/).
Retronews : Dans le cadre de sa politique de numérisation de la presse, la Bibliothèque nationale de France a créé en 2016, via sa filiale BnF-Partenariats, le service RetroNews. Il propose un accès libre et gratuit à plus de 400 titres de presse publiés entre 1631 et 1950. Les journaux répertoriés dans cette base sont indexés dans Gallica : si un résultat est remonté par le moteur de recherche de ce dernier, la visualisation du fascicule complet se fait gratuitement sur RetroNews.
Le lien : https://www.retronews.fr/
Connaître sa cote
Interenchères https://www.interencheres.com/ permet de consulter gratuitement les annonces de ventes aux enchères en France et de mettre une veille sur un sujet ou un artiste pour être informé d’une nouvelle vente le concernant. Le prix de mise en vente donne une idée de la cote.
Artprice : le site Artprice.com permet de consulter la cote des artistes et le prix des œuvres d’art pour réaliser des achats ou ventes et déclarer les valeurs d’assurance. En juillet 2019 un nouveau nom est adopté : Artmarket (mais le site est toujours sous le nom de Artprice.com). Je trouve que ce site est très complémentaire d’autres bases comme « Interencheres ».
Le lien : https://www.artprice.com/
La Gazette Drouot : est une revue hebdomadaire consacrée aux ventes aux enchères publiques françaises et internationales. Le site Internet de la Gazette offre la lecture de 4 articles publiés dans le magazine, en libre accès. Il permet entre autres la consultation des ventes à venir.
Le lien : https://www.gazette-drouot.com/
Se tenir au courant de l’actualité du monde de l’art
La Tribune de l’Art :est un magazine de presse en ligne sur l’actualité de l’histoire de l’art. Si le site Internet dénonce surtout les atteintes au patrimoine, il recense également les nouvelles acquisitions des musées et les œuvres remarquables passées en ventes publiques.
Le lien : https://www.latribunedelart.com/
L’expertise
Les sites et applications d’expertise fleurissent également sur Internet.
Mais les particuliers peuvent aussi simplement faire appel aux commissaires-priseurs de leur région, qui organisent souvent des journées d’expertise gratuites. Avec le confinement, certaines maisons de vente proposent même l’expertise à distance, c’est le cas notamment de la célèbre maison Tajan : https://www.tajan.com/fr/news/expertise-%C3%A0-distance-comment-faire-estimer-mes-oeuvres. Des historiens de l’art, spécialistes de tel ou tel artiste proposent enfin leurs services pour expertiser des œuvres.
Demander de l’aide à un musée (notamment pour un artiste local)
De même les musées, nationaux ou territoriaux, ont pour mission de renseigner les publics sur les artistes présents dans leurs collections (ou de manière générale sur d’autres artistes, même si la demande est moins fréquente).
Néanmoins, l’expertise privée, comme par exemple la fixation d’une valeur vénale pour une œuvre ou un objet pour un particulier, est illégale dans le secteur public. Les conservateurs, experts de l’État, ne peuvent contribuer à des catalogues de ventes ou de galeries. Plus largement, tout apport scientifique ou intellectuel pouvant valoir expertise commerciale leur est interdit. Sur autorisation du ministre de la Culture, ils ont néanmoins la possibilité de réaliser des expertises, mais uniquement dans le cas d’une procédure judiciaire.
Quelques conseils de lecture par Maïtena
– pour identifier des objets en céramique (la spécialité de Maïtena), voici la bible des collectionneurs, toujours actuelle (malgré son âge car je crois que la première édition date de 1969) : Henri Curtil, Marques et signatures de la céramique française, Massin, réédité en 2002;
– la revue mensuelle Antiquités Brocante propose des dossiers thématiques, des conseils pratiques pour acheter ; elle n’est pas très chère et j’ai beaucoup aimé le livre de l’ancienne directrice de publication, Carine Albertus, Chiner collectionner (cet ouvrage commence un peu à dater (2008) et malheureusement les estimations ne sont plus à jour) ;
– la Gazette Drouot présente sur le net a aussi sa propre revue, très complète
https://www.gazette-drouot.com/
Au sujet des émissions de télévision, certains surfent sur la vague de leur succès, notamment Emmanuel Layan, le commissaire-priseur de l’émission « Un trésor dans votre maison » avec Le Guide du chineur paru chez Chêne en 2014. Je ne l’ai en revanche pas lu.
Le retour d’expérience
J’ai demandé à Maïtena de me renseigner sur un artiste peintre du début du XXème siècle qui a peint l’église de notre village. Je voulais en savoir plus, notamment sur son lieu de résidence, dans l’espoir de trouver d’autres représentations de notre région et d’agrandir notre petite collection riche seulement de deux œuvres : une scène de village et une peinture animalière.
Après avoir fait quelques recherches rapides sur internet, je pensais que notre artiste s’appelait Augustin et j’espérais qu’il serait de la région parisienne.
La réponse de Maïtena
(avec quelques pistes brouillées pour conserver le mystère)
« Quant à l’artiste qui vous occupe, je ne trouve pas beaucoup d’éléments (hormis sur les sites que vous citez). Le dictionnaire Benezit indique que ce peintre, actif au XXe siècle, a exposé au Salon des Indépendants à partir de 1925. Mais…j’ai trouvé une piste grâce à certains indices que vous m’avez donnés (en particulier la peinture animalière) ! Pour la peinture d’animaux, j’ai trouvé la mention du peintre sur Retronews. Il aurait ainsi été l’élève de Jean-Paul Laurens (1838-1921). Si tel est le cas, il faudrait consulter les archives de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et celles de l’Académie Julian, comme les registres d’élèves, conservées aux Archives nationales.
Les articles trouvés me font penser que ce peintre est originaire de Saône-et-Loire. Vous pourriez suivre cette piste en envoyant une demande de renseignements aux archives du département.
J’ai l’impression que ce peintre animalier a pour prénom Joseph… Il y aurait donc deux peintres, un Augustin peintre de genre et un Joseph, peintre animalier, référencé aussi sur différents sites de ventes. Il y a peut-être un lien de parenté à chercher. »
Nous voilà donc en présence d’un duo d’artistes, sans doute de la même famille; l’artiste qui nous intéresse serait sans doute originaire de Saône et Loire avec on imagine une connaissance proche dans les Yvelines pour y avoir séjourné au moins le temps de peindre l’église de notre village en 1952 et peut-être on l’espère d’autres scènes locales.
Notre petit travail d’enquête a bien progressé (merci Maïtena) et il nous reste des pistes à explorer.
Nous espérons que cet article sera aussi utile pour vos propres recherches.
Un grand merci à Maïtena pour l’identification des sources, le sourcing par un expert, il n’y a rien de tel !
Vous pouvez faire beaucoup de recherches par vous-même en utilisant les outils en accès libre ; pour les outils en accès réservé, il est bon de savoir qu’ils existent pour pouvoir en parler aux experts que vous contacterez.
A noter : je ne suis pas expert mais documentaliste juridique, vous pouvez librement utiliser toutes les informations données dans cet article pour vos propres recherches. Je ne conduirai aucune recherche pour le compte d’autrui.