Le palais de justice de Paris © Maxppp

C’est sans doute une des questions qui revient le plus dans les recherches documentaires, d’autant plus que l’open data des décisions de justice a fait naitre de faux espoirs. NON, tout n’est pas disponible gratuitement en ligne, OUI il faut encore jongler entre différentes sources.

Les sources gratuites

Depuis le 21 avril 2022, toutes les décisions civiles, sociales et commerciales rendues publiquement par les 36 cours d’appel de France, postérieurement au 15 avril 2022, sont mises en open data via le moteur de recherche Judilibre, du site internet de la Cour de cassation

Judilibre https://www.courdecassation.fr/acces-rapide-judilibre : depuis avril 2022

Ce site a fait beaucoup parler de lui à la rentrée 2022 et pour cause, il est gratuit et dispose de la technologie Pappers qui a fait ses preuves avec le site éponyme d’information légale.

Pappers justice https://justice.pappers.fr/

Attention pour l’open data des décisions de justice, on parle de FLUX et non de STOCK. C’est-à-dire qu’il s’agit de décisions postérieures au 15 avril 2022.

Les sources payantes

Pour le stock, il n’existe pas à ce jour en France de base exhaustive de jurisprudence. Ce qui signifie qu’il convient de parcourir toutes les bases de données, l’une après l’autre dans l’espoir de trouver la jurisprudence que vous cherchez.

On s’orientera en priorité vers 3 bases au fonds documentaire solide, selon les abonnements dont dispose votre structure (je précise ici que c’est mon top 3 ; libre à vous d’avoir le vôtre).

Lexis360 : a la particularité d’avoir le fonds documentaire le plus ancien grâce au travail des ateliers régionaux de jurisprudence, c’est le fameux fonds juris-data. On peut y trouver des décisions qui datent de la fin des années 80 (à partir de 1986 environ), parfois en abstract uniquement ou un texte intégral si vous êtes chanceux. Résumé et mot-clés permettent une analyse rapide de la jurisprudence. L’énorme masse documentaire de cette base permet aussi d’espérer d’y trouver non seulement la jurisprudence recherchée mais aussi un commentaire par un auteur maison. Le numéro Juris-data est un numéro propre à l’éditeur qui se compose d’une année millésime et d’un numéro à 6 chiffres, exemple JurisData n° 2019-016455. Ce numéro ne peut être utilisé que sur sur la base Lexis360.

Lexbase : c’est l’ancêtre des legaltechs ; on peut saluer le côté visionnaire de cet éditeur qui dès sa création en 1998 a parcouru la France pour nouer des partenariats avec les Greffes et récupérer ainsi de nombreuses décisions de jurisprudences. Le fonds de décisions de première instance vaut le détour ; voir aussi le fonds documentaire en droit boursier.

Doctrine.fr : cette legaltech a fortement impacté le paysage des bases de données juridiques françaises, car depuis 2016, date de sa création, cette start-up du droit a utilisé l’intelligence artificielle pour améliorer la recherche juridique. Quand des algorithmes puissants traitent une grande quantité de données, cela donne des résultats rapides. L’intelligence artificielle est désormais présente chez tous les éditeurs, mais l’on peut dire que doctrine.fr, par sa nature de société technologique, a redynamisé le marché. Non seulement son fonds documentaire de décisions est vaste mais la recherche est tellement facilitée et les décisions si bien référencées, y compris sur Google, que cette base est devenue un incontournable de la jeune génération de juristes. Malheureusement on ne trouve pas tout sur Google (ni tout sur doctrine.fr) mais ça c’est une autre histoire !

Toutes les bases des éditeurs juridiques ont du sens lorsque l’on recherche une décision de jurisprudence. Ainsi on pourra utilement consulter les bases Lamyline, Dalloz-avocats, Navis, Lextenso où d’autres bases spécialisées dans certains domaines du droit. Il faut alors avoir en tête les spécificités de chaque éditeur, leurs publications et leurs auteurs.

Par exemple, si l’on recherche une décision de droit boursier, il est conseillé de consulter la base Lextenso pour ses archives du Bulletin Joly Bourse où la décision sera peut-être reproduite et commentée.

Si l’on cherche une décision en droit fiscal (pour les CAA), le Navis Fiscal de Francis Lefebvre semble incontournable.

Idem pour les domaines spécialisés avec par exemple la base Concurrences ou Lamy concurrence pour les décisions en concurrence, Légipresse (dans Dalloz) pour le droit de la communication, etc…

Le Doctrinal qui est une excellente base de données pour une recherche doctrinale thématique, permet également de retrouver des notes sous arrêts donc des jurisprudences commentées. Charge à vous de consulter la source primaire d’après la référence bibliographique fournie par la base.

La commande via les sites des éditeurs

Ce que j’appelle « le bouton magique » ; sous réserve d’être abonné à une base de données juridique, il suffit souvent de faire une recherche négative pour activer de manière automatique un formulaire de demande de décision.
Il conviendra d’être particulièrement précis dans votre demande en mentionnant la juridiction, la chambre, la date, les parties et le numéro de requête ; malheureusement ce dernier n’est pas souvent disponible.

Du bouton magique on ne peut espérer de miracle. On peut juste se dire que les acteurs qui produisent des bases de données juridiques ont l’habitude de récupérer de la jurisprudence et qu’ils auront peut-être de bons tuyaux pour accéder à l’information. Mais rien n’est garanti ! Tout dépend des références dont vous disposez (complètes ou incomplètes), de l’ancienneté de la décision, du Greffe et même des relations entre le producteur de base de données et certains greffes.

La commande au Greffe

Ne pas oublier que la commande directement au Greffe par courrier postal est toujours possible.

Malheureusement la dégradation des conditions de travail dans les greffes, notamment depuis la crise covid, fait qu’il est difficile d’obtenir une décision inédite ancienne rapidement ; par ailleurs, en cas de demande incomplète, notamment sans le numéro de requête – rarement mentionné – votre demande aura peu de chance d’aboutir.

Le greffe peut également refuser les demandes abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.

La jurisprudence publiée, les notes sous arrêt

Il va sans dire qu’avant 1990 il est INUTILE de chercher de la jurisprudence sur les bases de données en ligne (mis à part quelques jp sur Lexis360 et encore parfois juste en abstract).
Ce qui signifie que toutes les références de jp antérieures doivent être cherchées sur le papier dans les publications concernées.

Par exemple on cherchera

CA Douai, 11 juill. 1957, D. 1957.715, obs. G. Lagarde dans le Recueil Dalloz PAPIER de 1957.

D. = Recueil Dalloz + Le Recueil Dalloz de 1957 n’est pas en ligne sur le site Dalloz, ne cherchez pas !

OU

CA Aix, 18.04.1956, JCPG 1956, 4ème partie, 104 dans La Semaine Juridique de 1956 PAPIER.

JCP G = Semaine Juridique Edition Générale + la JCP G de 1956 n’est pas en ligne sur le site Lexis, ne cherchez pas !

D’où l’utilité de connaître les abréviations de revues juridiques, mais ça c’est une autre histoire !

Et où trouve-t-on le papier ancien ? Dans les bibliothèques pardi ! Celle de votre structure si vous avez de la chance et si elle a conservé son fonds documentaire ancien ou dans les bibliothèques universitaires ou publiques.

Enfin, la bibliothèque de l’Ordre des avocats de Paris propose toujours un service de commande de références publiées qui fonctionne très bien sur les références anciennes « classiques » (par classique j’entends les revues de droit généralistes ou courantes).

A savoir

  • Il n’existe pas de base de données exhaustive pour le stock (avant avril 2022) ; la loi Lemaire pour une république numérique ne prévoit rien à ce sujet.
  • Lorsque vous trouvez la mention d’une décision dans une publication c’est vers l’éditeur de cette publication qu’il convient de se tourner ; il a les coordonnées de l’auteur qui a commenté et il pourra enrichir son fonds en fournissant le texte intégral de la décision. Certains éditeurs ont même un service documentation particulièrement efficace dans la fourniture de décisions citées mais absentes de leur base. Je pense par exemple à Lexis Nexis qui propose une excellente aide lorsque qu’il s’agit de leur base ou de leurs publications.
  • Lorsque la décision est très ancienne, le Greffe peut l’avoir envoyée aux archives départementales, et là bon courage !
  • Des décisions des tribunaux judiciaires en open data dès 2023 ? Le calendrier d’origine pourrait être modifié, voir cet article du 18/11/2022
    https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/84536-ministere-justice-veut-accelerer-open-data-decisions-justice.html
  • Cet article contient des avis personnels basés sur mon expérience et les abonnements de ma structure ; votre expérience pourra être tout autre en fonction de vos abonnements et de votre spécialisation.
  • Sur certains points, j’ai insisté lourdement mais croyez-moi, depuis que les legaltechs se sont emparés du marché de la jurisprudence et depuis que la crise sanitaire a éloigné la jeune génération des bibliothèques, il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie et de patience. L’histoire ne dit pas si les robots vont scanner l’intégralité du fonds documentaire des éditeurs depuis 1890 ou si CHAT GPT saura enseigner la recherche de jp de première instance sur le papier à la jeune génération ; en attendant vous pouvez compter sur les documentalistes juridiques pour vous montrer le chemin.

Voir aussi

Comment obtenir la copie d’un jugement ? Fiche Service Public, consultée le 13 avril 2023

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1379

Demande de copie d’une décision de justice en matière civile, sociale ou commerciale (Formulaire 11808*06), consulté le 13 avril 2023

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R1408

Crédit photo : Le palais de justice de Paris © Maxppp

Publié le 19/04/2023, modifié le 19 avril 2023