De l’importance du métier de documentaliste en période de crise sanitaire

Les documentalistes ont des atouts à faire valoir en période de crise sanitaire.

J’ai cherché (rapidement) pour Stéphane Lefer (rédacteur de la newsletter BibBipNews) une source sur l’importance du métier de documentaliste en période de crise sanitaire et je n’ai pas trouvé. Du coup je me suis dit qu’il fallait que j’écrive quelque chose moi-même, un peu pour moi comme un « feel good article », un peu pour la nouvelle génération de documentalistes et un peu aussi pour ceux qui nous embauchent. Mon point de vue est celui d’une documentaliste juridique mais je vais essayer d’élargir à d’autres secteurs. Je vous invite à compléter l’article par vos commentaires si vous estimez que j’ai oublié un point important.

Lutter contre l’infobésité

On le sait depuis longtemps,

trop d’info tue l’info

cette période de crise sanitaire renforce la sensation du trop plein d’information à trier : la bonne information à la bonne personne au bon moment, c’est plus que jamais notre mission.

Lutter contre les fake-news par le recoupement des sources

Dans le secteur juridique avec un public très éduqué nous n’avons pas à gérer ce genre de problème mais on peut imaginer que c’est une priorité dans d’autres secteurs.

Faire de la veille

Plus que jamais la veille (juridique, économique, concurrentielle, métier) est importante pour éclairer nos utilisateurs, les aider à interpréter les mesures foisonnantes prises par le Gouvernement et leur fournir de la matière pour anticiper les questions de leurs clients. La recherche de documents exclusifs (projets d’ordonnances, commentaires exclusifs, lettres confidentielles) a aussi mobilisé beaucoup de veilleurs juridiques.

J’imagine à quel point cette veille est cruciale en ce moment dans le milieu médical, dans le milieu pharmaceutique et dans le milieu de l’industrie de matériel médical ainsi que dans tous les secteurs de l’économie mis à mal par la crise économique.

Aider à la recherche dans une période où avoir une belle bibliothèque papier n’est plus un atout

La richesse d’une bibliothèque juridique tenait auparavant dans un fonds documentaire papier varié, mis à jour, ordonné, avec beaucoup d’antériorité. Avec l’arrivée des bases de données (et parfois aussi à la faveur de déménagements), cette position a évolué pour laisser plus de place au numérique même si le papier restait souvent une source confortable fort appréciée des utilisateurs. Avec le confinement, le télétravail et la fermeture des bibliothèques juridiques privées ou publiques, certaines sources, disponibles uniquement en papier ne sont plus accessibles.
Le/la documentaliste devient l’arbitre de ce qui est possible et de ce qu’il n’est plus possible de trouver pour cause de confinement avec parfois une certaine ingéniosité pour contourner le problème mais à l’impossible nul n’est tenu !
Pour se rassurer, on pourra aussi souligner que dans la recherche d’information, même une réponse négative est une réponse.

Valoriser les sources numériques

Pendant du point ci-dessus, le/la documentaliste doit valoriser au maximum les sources numériques disponibles en s’assurant de leur bon fonctionnement, en formant les utilisateurs à distance, en négociant au besoin avec les éditeurs afin d’étudier l’élargissement temporaire des abonnements et en valorisant des contenus parfois ignorés.

Dans le milieu juridique, l’accès gratuit à l’information a été grandement facilité par de nombreux acteurs, une politique gagnant-gagnant où l’éditeur offre du contenu et où le juriste initialement peu équipé, peut tester gratuitement presque toutes les plateformes.

Dans le pire des cas, il restera de ces initiatives, une image de marque positive car l’éditeur s’est montré solidaire et proactif (ce qui est important de nos jours). Dans le meilleur des cas, on peut en tout cas l’espérer pour les éditeurs, mais cela dépendra beaucoup de la reprise, l’utilisateur ressentira une sorte « d’addiction » qui se concrétisera par de nouveaux abonnements une fois la crise passée.

Dans nos échanges avec les éditeurs, on mesure aussi l’importance des réseaux et notamment l’importance de l’association Juriconnexion qui dès le début du confinement a partagé sur sa liste de distribution les ressources gratuites mises à dispositions par les différents éditeurs.
Voir notamment le wiki de l’association https://droit.org/wiki-juriconnexion/index.php/Accueil relancé pour l’occasion.

Exploiter ses caractéristiques professionnelles

Je reprends ici les termes d’un article anglais qui listait certaines caractéristiques professionnelles des documentalistes comme la capacité d’adaptation, le goût pour l’innovation et les nouvelles technologies de l’information, la curiosité et l’anticipation. Ces caractéristique s’avèrent particulièrement utiles en temps de crise sanitaire, à nous de les exploiter !

https://www.lexblog.com/2020/03/25/covid-19-why-librarians-are-amazing-in-times-of-crisis/

Jouer un rôle actif dans la communication interne ou externe

Ce goût pour les nouvelles technologies amène aussi les documentalistes à prendre en charge une partie de la communication interne (intranet) ou externe (site internet, blog, hub dédié au covid-19) dans la mise en ligne quotidienne d’information. Lorsqu’il n’y a pas de Service Communication se sont souvent les documentalistes qui sont aux commandes pour ce genre de tâche sachant que les Services Informatiques sont en général peu friands de ce qui touche au contenu web et qu’ils ont bien d’autres chats à fouetter avec la gestion du réseau, sa sécurité et le bon fonctionnement du télétravail.

Il en va de même pour la communication sur les réseaux sociaux lorsque cela s’applique à la structure (page Facebook, page LinkedIn, compte Twitter).

Notes

Merci à Stéphane Lefer pour l’inspiration et pour avoir souligné l’importance de notre métier dans sa newsletter du 10 avril 2020, https://www.bipbipnews.com/

En savoir +

Article complémentaire : Veille juridique, sur la brèche avant pendant et après, propos recueillis par Jean Gasnault pour le Monde du Droit, 11 mai 2020.

Illustrations : photos personnelles prises pendant les sorties sportives autorisées du confinement

 

Visite du Palais de justice avec Etienne Madranges

A la rentrée 2019, j’ai eu l’occasion, lors d’une manifestation LexisNexis de visiter l’ancien le Palais de Justice.

Cette visite, ou plutôt, cette mini conférence dans une salle d’audience, se clôturait par la remise de l’ouvrage dédicacé du conférencier, à savoir Etienne Madranges.

J’ai retrouvé cet ouvrage lors d’un rangement pendant la période du confinement.

Empreinte d’histoire, 50 chroniques historiques, judiciaires, drôles et tragiques par Etienne Madranges, LexisNexis, 2018

https://boutique.lexisnexis.fr/105-beaux-livres/8263-empreintes-d-histoire

L’idée n’est pas de vous en parler ici, je n’ai picoré que quelques chroniques ; l’ouvrage se prête d’ailleurs parfaitement à la lecture aléatoire. Il est très attractif, aéré, fort bien illustré (par l’auteur), d’un style à la fois concis et érudit. Une belle idée de cadeau à faire ou à se faire.

Le souvenir que je garde de cette manifestation c’est l’auteur : personnage  savant et captivant, le genre de personne avec qui on pourrait facilement se perdre pendant une journée dans le palais de justice sans s’ennuyer.

Un homme multi-casquettes : ancien magistrat, enseignant, historien du patrimoine judiciaire, photographe amateur éclairé, avocat au barreau de Versailles ne sont que quelques-unes de ses fonctions.

Sur son site internet très bien fait, il présente ses différentes publications : http://www.etiennemadranges.fr/

Dans cet ouvrage, on trouve plusieurs chroniques sur l’Ancien Palais de Justice.

Monument dédié à Berryer, chapitre 47 du livre, la tortue au coeur du Palais de justice

Voilà qui me donne des envies de sorties pour l’après-confinement :

Une visite de l’ancien Palais de justice de Paris

Avec un peu plus de temps pour déambuler dans le Palais.

Je souhaitais juste pour ma part parler d’un guide que j’ai connu il y a très longtemps, alors que j’habitais sur Paris et avec qui j’ai fait de nombreuses visites, toutes d’une qualité exceptionnelle.
Ce guide, Claude Marti, a un site internet bien à jour ; il propose une visite guidée du Palais de justice, elle n’est pas programmée pour l’instant mais on peut imaginer que cela soit encore possible :

https://visite-guidee-paris.fr/visites/palais-de-justice/

Plusieurs guides assurent ces prestations ; si vous avez déjà testé un guide, vous pouvez nous en faire part via les commentaires de l’article.

Une visite du Nouveau Palais de justice de Paris

Là aussi il y a des guides qui organisent des visites pour le nouveau Palais de justice du quartier des Batignolles.

Une nuit ou juste un cocktail dans un ancien Palais de justice transformé en hôtel

Une expérience que j’ai pu vivre à Nantes il y a quelques années, un fabuleux moment dans un endroit chargé d’histoire, un peu pompeux certes mais très original.

https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_Radisson_Blu_(Nantes)

https://www.radissonhotels.com/fr-fr/hotels/radisson-blu-nantes

Une expérience identique (reconversion d’un ancien palais de justice en hôtel) est prévue pour Caen avec un projet qui date de septembre 2019 et une livraison programmée pour 2023.

Ci-dessous un mini reportage de 3 minutes sur l’ancien Palais de justice avec quelques anecdotes que je partage pour un seul plan séquence, simple fruit du hasard mais tellement symbolique,

Rien ne se créer, rien ne se perd, tout se transfère

d’après Antoine Lavoisier, slogan de la société i2T Transfert, spécialiste du déménagement de bureau, dont le camion traverse l’image signifiant le déménagement de l’ancien Palais vers le nouveau (quel fabuleux timing !).

Il faudra bien du temps avant que le nouveau Palais de justice livre ses anecdotes, en attendant, en cette période de confinement, on peut toujours faire des voyages historiques et immobiles avec les livres de Monsieur Madranges.

Open data et jurisprudence, brochure LexisNexis

Brochure Lexis Open data et jurisprudence

Open data & jurisprudence, Les données de jurisprudence au service de l’intelligence juridique, Lexis, Livre blanc, 2019.

Je souhaitais juste dans ce court article revenir sur une brochure LexisNexis qui date de 2019 mais qui me semble être un élément important de la compréhension des bases de données de jurisprudences en France.

https://go.lexisnexis.fr/2019-Livre-blanc-open-data-et-jurisprudence

En effet, ce document contient plusieurs infographies forts utiles dans la compréhension des mécanismes de l’open data des décisions de justice :

– L’infographie flux de diffusion des décisions de justice traite du volume des décisions de justice et souligne la différence entre décision rendue et décision diffusée,

– L’infographie évolution de l’informatisation de la donnée jurisprudentielle retrace l’historique des débuts de l’informatisation de la donnée jurisprudentielle jusqu’à la loi Belloubet (23/03/2019).

Mis à part quelques acteurs historiques de la documentation juridique (ils se reconnaîtront !), il n’est pas facile pour la nouvelle génération de juristes que nous côtoyons de comprendre les enjeux actuels autour de l’or noir que représente la jurisprudence sans ce nécessaire retour sur le passé.

Par ailleurs certains jeunes juristes entendent parler de l’open data des décisions de justice depuis 2016 et pensent à tort que tout est déjà disponible gratuitement sur internet.

La première infographie permet de justifier que seule une infirme partie des décisions de justice est actuellement traitée par les bases de données de jurisprudences (soit 5%) d’après ce document (« non, tout n’est pas disponible gratuitement en ligne ! »).

La deuxième infographie indique le départ de la numérisation des premières jurisprudences, soit la fin des années 80 (sachant que la création du fichier de jurisprudence juris-data, propriété de Lexis, date de 1985), (« oui c’est normal de ne pas trouver de jurisprudence de première instance numérisée dans les années 80, à l’exception des rares arrêts sélectionnés par les ateliers régionaux de jurisprudence, au mieux à partir de 1986 »).

Pour compléter ce livre blanc, on pourra regarder la vidéo

Tout savoir sur l’Open data des décisions de justice, Interview de Denis Berthault, février 2020

La Loi Lemaire de 2016 qui prévoit la mise à disposition des décisions de justice, tarde à être mise en œuvre par voie de décret. Découvrez le décryptage par Denis Berthault des enjeux de l’open data pour les décisions de justice en France.

https://youtu.be/LPed21o3sPc

Evidemment il s’agit de documents commerciaux LexisNexis. L’éditeur en profite pour mettre en avant son expertise et sa base de données, c’est de bonne guerre. On en pensera ce que l’on voudra, l’objet de cet article n’est pas de mettre en avant la politique commerciale de cet éditeur mais d’avoir quelques balises historiques et quelques angles de réflexion autour d’une problématique qui nous occupe depuis octobre 2016.

Un des aspects cruciaux de ce dossier c’est l’anonymisation des décisions de justice (p. 12-13 de la brochure).
Sur ce sujet, on lira (aussi) avec intérêt :

Contre « l’anonymisation » des arrêts publiés : décadence des références de jurisprudence, Dalloz Actualités, 6 septembre 2019

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a érigé l’anonymisation des décisions de justice « en postulat », estiment Nathalie Blanc et Pierre-Yves Gautier. Un principe qui « interdit d’ancrer les décisions de justice dans la mémoire du droit ».

https://www.dalloz-actualite.fr/interview/contre-l-anonymisation-des-arrets-publies-decadence-des-references-de-jurisprudence

Et pour une vision complète de la situation, le très détaillé article d’Emmanuel Barthe sur son blog Precisement, 29 novembre 2019.

Anonymisation des décisions de justice : le point sur les dernières évolutions et leurs finalités

https://www.precisement.org/blog/Anonymisation-des-decisions-de-justice-le-point-sur-les-dernieres-evolutions-et.html

La loi Lemaire tarde à être mise en œuvre. Depuis 2016, nous attendons toujours son décret d’application. Cette longue attente permet certes aux éditeurs juridiques et aux legaltechs de peaufiner leurs algorithmes mais elle reste frustrante pour les professionnels du droit.

Comme le dit si bien notre confrère documentaliste Stéphane Jacquier :

Nous avons besoin de tout en ayant la possibilité de trier. Il s’agit de répondre à notre besoin de disposer à la fois de la masse et de la granularité des décisions, c’est le droit à la sélection dans l’exhaustivité .

A suivre !