Sauvons le métier de relieur juridique !
La reliure un métier sinistré !
Lorsque j’ai voulu écrire un article sur la reliure juridique et notamment lister les prestataires, j’ai été surprise par l’hécatombe de relieurs disparus ces trois dernières années.
Avant de choisir un relieur, il est donc prudent de vérifier qu’il existe toujours car, avec le numérique et la baisse des budgets, la profession est vraiment sinistrée.
L’importance de faire relier ses collections
Et pourtant il est important de faire relier ses collections de revues juridiques.
Une collection papier reliée reste complète, une reliure est lourde, elle s’emprunte difficilement. De ce fait, elle a moins tendance à disparaître alors que le fascicule d’une revue peut facilement disparaître un vendredi soir, voyager jusqu’à la maison de campagne de l’indélicat emprunteur où il finira sa triste vie de fascicule orphelin, vous empêchant par la même occasion de relier le reste de la collection.
Une collection papier c’est le patrimoine du cabinet (ou de la structure juridique) tandis que l’informatique c’est du vent !
Si vous supprimez tout le papier au profit des bases de données électroniques, le jour où vos relations commerciales avec un éditeur juridique seront très tendues conduisant à une rupture de l’abonnement numérique, vous perdez l’accès aux données. Si vous avez conservé le papier, la recherche thématique sera sans doute moins aisée mais vous n’aurez pas tout perdu.
Parfois les éditeurs nous mettent des bâtons dans les roues !
Coup de gueule contre les éditeurs qui changent les formats en cours d’année : un format A5 devient subitement un format A4 ou vice versa : il faut alors faire deux reliures pour la même année et changer l’emplacement sur les étagères ! Toute une révolution dans la bibliothèque pour un caprice de maquettiste !
Idem pour ceux qui font des numéros doubles pour le dernier d’une année N et le premier de l’année suivanteN+1, et là je choisis de relier quelle année ? La N ou la N+ 1 ? Dans tous les cas, il me manquera un numéro.
Quant à ceux qui fusionnent les revues en cours d’année, ce n’est pas mieux !
Ci-dessous, l’extrait d’un message d’une collègue documentaliste juridique au sujet de la fusion de la Revue de Jurisprudence Fiscale (RJF) avec le Bulletin des Conclusions Fiscales (BDCF) en fin d’année 2015.
« De plus, il aurait été plus judicieux pour le classement dans nos bibliothèques (reliure, futures recherches, classement des périodiques, etc …) que ce changement s’effectue en janvier 2016. En cours d’année cela rend difficile la recherche d’éléments et carrément impossible dans les prochains mois. Qui se souviendra en 2018 que la fusion avait eu lieu en novembre et donc que la fin du BDCF en 2015 n’est pas classée avec les autres années du BDCF mais avec toute la RJF ? »
Vous suivez toujours ?
Comment je prépare mon train de reliure
Par « train de reliure » on entend : le tri des documents imprimés envoyés chez le relieur pour les réparer ou les relier. On établit un bordereau détaillant avec précision le travail à effectuer (format et type de reliure). Ça ne veut pas dire que le relieur vous emmène en vacances !
Si vous avez enregistré la bonne réception de vos fascicules tout au long de l’année (opération de bulletinage), la reliure de fin d’année ne devrait pas vous poser trop de soucis.
Il est toujours plus facile d’obtenir un numéro manquant auprès de l’éditeur peu de temps après sa sortie plutôt que plusieurs années après.
Les numéros manquants se commandent directement auprès de l’éditeur. Attention, certains éditeurs facturent ce service au prix fort.
Ne pas oublier qu’une collection complète contient tous les numéros de l’année + la table annuelle qui est parfois incluse dans le dernier numéro de l’année ou envoyée avec les premiers fascicules de l’année N+1.
La nouveauté 2016, c’est la disparition des tables annuelles papier chez l’éditeur LexisNexis.
Non seulement le coût de l’abonnement ne baisse pas, mais l’abonné doit désormais imprimer lui-même sa propre table sur le site de l’éditeur !
« Les tables annuelles de vos revues sont exclusivement disponibles en ligne à compter de 2015. «
http://www.lexisnexis.fr/services_abonnes/Actualite-Revues/Tables-Annuelles
Aucun courrier ou e-mail pour prévenir les abonnés de ce nouveau dispositif. Certains risquent d’attendre longtemps leurs tables 2015 !
Pointer tous les numéros et les tables, les isoler jusqu’à l’arrivé du relieur. Lui préparer une liste de ce que vous lui confiez, liste que vous reprendrez au retour pour pointer vos tomes reliés.
Lorsque vous faites relier une revue pour la première fois, vous devez définir avec le relieur le type de reliure (cuir/papier/toile), le type de couture, le titrage de la collection, le nombre de volumes (qui souvent est dicté par l’épaisseur maximum d’un tome).
La première année avec un prestataire est donc la plus lourde. Par la suite, il doit être en mesure de reprendre vos gabarits d’une année sur l’autre, à l’exception des nouvelles revues ou des changements de format.
Quel coût ?
Le coût de la reliure est souvent un coût par volume.
Le coût dépend du type de matière sélectionnée. Le cuir est plus cher que le papier qui est plus cher que la toile.
Le coût peut varier selon les opérations de plaçure. La plaçure est l’opération qui consiste au débrochage des cahiers d’une revue, à la suppression des couvertures, au regroupement des différentes parties dont la numérotation est consécutive et à leur assemblage afin de constituer un volume avant couture. La plaçure est simple s’il s’agit de supprimer les couvertures et d’assembler les numéros les uns à la suite des autres; elle est plus complexe lorsqu’il faut tout déconstruire pour tout ré-assembler (cf. Semaine Juridique, Dalloz).
Afin de faire des économies, certaines revues peuvent être reliées tous les deux ans mais attention à l’épaisseur du volume.
Le type de couture peut impacter le coût de la reliure.
Enfin, le titrage du volume (directement sur le support ou sur une pièce de titre en cuir) s’ajoute aussi au coût de la reliure.
Chez certains relieurs, il faut parfois ajouter un coût de livraison.
De toutes les matières…c’est la toile que j’préfère
La reliure toilée est bien suffisante. La reliure en cuir c’est joli mais de nos jours tout le monde s’en moque, y compris les photographes car plus personne ne fait de portrait d’avocat devant les reliures en cuir de la bibliothèque !
Le côté rat de bibliothèque n’a plus cours. L’avocat 2.0 se doit d’être geek sinon il prend le risque d’être ubérisé dans les plus brefs délais !
La reliure toilée existe en différents coloris. Un bon moyen mnémotechnique pour repérer vos collections en bibliothèque est de choisir une couleur de toile en rapport avec la couleur de la couverture d’origine de la revue. Sinon la reliure assortie avec la couleur de la moquette c’est bien aussi, cf. Option Finance ci-dessous (private joke dvmb) !
Au secours, la revue est partie à la reliure !
Pas de panique ! Dans la plupart des cas, il vous reste un accès numérique à la revue.
Sinon, il est toujours possible de passer commande d’une référence à la bibliothèque de l’Ordre des avocats ou à la bibliothèque Cujas.
Le temps moyen du traitement de plusieurs caisses de revues à relier est en général d’un mois ou un mois et demi selon la charge de travail du relieur.
La reliure revient ! Youpi !
Sauf qu’il faut la ranger et que chaque année qui passe représente un ou plusieurs volumes en plus qu’il faudra caser sur des étagères qui ne sont pas extensibles à l’infini. Bon courage !
Compléter ses collections anciennes
Les déménagements, regroupements de cabinets ou opérations de désherbage sont parfois l’occasion de compléter les collections anciennes incomplètes sous réserve d’avoir la place de stocker les reliures et d’être très réactif lorsque vous recevez l’information concernant un don de revues. (Désherbage = tri dans les collections et suppression des doublons, des collections/ouvrages obsolètes, ne signifie pas que le/la documentaliste cultive un jardin !).
Bien souvent, la numérisation des revues sur les sites des éditeurs date des années 90. Le papier est donc la seule alternative pour toutes les recherches de références antérieures à cette période.
Les solutions alternatives à la reliure
Lorsqu’une collection est incomplète, il n’est pas possible de la faire relier. Dans ce cas, vous pouvez toujours rassembler vos revues dans des boites de rangement de revues du commerce.
Certains éditeurs vendent leurs propres boites de rangement. Une solution alternative moins coûteuse que la reliure.
Dans ces deux cas, l’intégrité des collections n’est plus garantie.
La reliure c’est aussi la réparation
Si vous possédez un ouvrage juridique très abîmé et qu’il est épuisé chez l’éditeur, vous pouvez aussi le faire relier afin d’assurer sa conservation.
Spéciale dédicace
Cet article est dédié à tous ceux qui pensent que le numérique a définitivement supprimé toutes les tâches d’administration des bibliothèques juridiques. S’ils ont encore un doute, qu’ils passent me voir en période de reliure ou de commande des codes et mémentos et je leur montrerai que gérer une bibliothèque c’est aussi s’occuper du papier, que ça prend du temps et que c’est physique !
Liste de relieurs
N’hésitez pas à revenir vers moi par message privé ou via les commentaires, si vous avez des correctifs à apporter à cette liste. Liste mise à jour en février 2020.
♦ Atelier Ça Relie à Paris
Aude Quéré
135 bd Chanzy
93100 MONTREUIL
Tél : 06.61.96.03.38
Mail : ca-relie-a-paris@hotmail.fr
http://www.ca-relie-a-paris.fr/
Note : propose aussi des cours de reliure dans son atelier. Un site internet qui donne vraiment envie de se mettre à la reliure !
♦ Atelier Dala
David Lambert
15 Rue Arcisse de Caumont,
14000 CAEN
Tél/Fax : 02.31.86.08.33
Mail : dalaatelier@gmail.com
♦ Atelier Saint Luc
Mr. Claude Barrier
24, rue Carnac
72190 COULAINES
Tél. 02 43 81 18 66
Fax. 02 43 81 19 26
Mail : info@reliuresaintluc.com
http://www.reliuresaintluc.com/
♦ Reliure Houdart Relicentre
77, rue Broca
75013 PARIS
Tél. : 01 43 31 40 36
Mail : houdart@relicentre.fr
http://www.reliure-dorure-paris.fr/
http://www.atelier-houdart.fr/
♦ Reliure Noblecourt
21, rue Esther Cordier
92320 CHÂTILLON
Tél : 01.42.53.47.27
Mail : reliure.noblecourt@free.fr
http://www.reliure-noblecourt.fr/
Solange de Verbizier
♦ Solange de Verbizier
Atelier de reliure – dorure d’art
75, rue Buffon
75005 Paris
Tél. : 01 43 37 53 68
Publié le 27/02/2020, modifié le 27 février 2020
Sans compter la place gagnée sur les rayonnages : environ 30%
Merci pour la liste de relieurs à jour.
Pour mémoire, j’avais mis en ligne un guide de reliure qui peut compléter celui-ci :
http://www.precisement.org/blog/Petit-traite-de-la-reliure.html
Je découvre seulement aujourd’hui cet cet article. Il est formidable. Bravo.
Didier Maus
Le relieur Ardouin, selon des informations concordantes, fermera en février 2020. Ils étaient en redressement judiciaire depuis novembre 2018. La liquidation a été déclarée le 13 janvier 2020 (source Registre du commerce et des sociétés (RCS) https://www.societe.com/societe/etablissements-j-ardouin-et-compagnie-310691860.html).
Notre conseil : si possible, retirez au plus vite vos collections directement sur place (ils ne répondent plus au téléphone).
En cas de problème, le liquidateur est la SCP Philippe Angel & Denis Hazane (mission conduite par Me Hazane), 49-51 avenue du président Salvador Allende 77100 Meaux https://www.scpanha.com
L’entreprise Baillot Relieurs a été radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris le 27/03/2013. Source : https://www.societe.com/societe/baillot-relieur-s-a-r-l-712031400.html
Parmi les relieurs non artisanaux, Atelier Saint-Luc et Houdard Relicentre sont toujours actifs.
Bonjour, je suis tombée sur votre article par hasard, et je me permet d’ajouter que l’atelier de reliure Noblecourt cité dans votre article ferme également.
Mais il reste encore des artisans relieurs, plus souvent indépendants aujourd’hui, comme mon atelier.
Merci pour votre article.
Merci pour ce papier qui fait le point sur l’intérêt et l’utilité de la reliure mais aussi sur la disparition progressive des relieurs. J’ajouterai à la liste des adresses une relieuse passionnée à Paris :
Sophie Hurel
Atelier Reliure au Féminin
Village suisse
sophie.hurel@reliureaufeminin.com
En revanche, avec la disparition de Multirel et de Ardouin, je suis à la recherche d’un relieur « au kilomètre » pour mes revues. N’hésitez pas à m’en communiquer un ou plusieurs.
Merci.