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Conférence sur l’écriture intime par Philippe Lejeune

Logo AutopacteL’écriture intime : conférence de Philippe Lejeune du 23 janvier 2009 

J’ai trouvé que ce sujet complétait bien celui des carnets de voyages, d’où la présence de ce compte-rendu.

Certains journaux intimes présentés en photos lors de la conférence ont d’ailleurs l’apparence de carnets de voyage car un carnet de voyage peut aussi être intime, quotidien et citadin.

Vendredi 23 janvier 2009, 20h30 : la SNCF a encore frappé, la ville n’est qu’un immense chaos de voitures qui cherchent à atteindre la gare pour récupérer des usagers, victimes malgré eux de furieux syndicalistes. Il fait froid, je suis fatiguée, nous sommes en fin de semaine, je n’ai pas eu le temps de manger à cause d’une course tardive sur Paris et du transport défaillant. Je me rends néanmoins à la conférence car mon inscription auprès de la médiathèque de ma ville m’oblige au respect de ce rendez-vous.

Je me demande ce que va pouvoir nous dire notre interlocuteur. Il a une tête d’universitaire débonnaire, il a l’air timide et tire souvent sur un pull en laine complètement déformé; il insiste pour brancher un ordinateur et parle de nous projeter des images. Je ne sais pas pourquoi mais je pense de suite à des images subliminales, couleurs, formes, paysages et je ne comprends pas la relation avec le sujet de la conférence : pourquoi et comment tenir un journal personnel ? J’admets parfois écouter de la musique lorsque j’écris mais de là à s’inspirer d’images, je ne vois pas bien où il veut en venir ?

Philippe Lejeune se présente, revient sur sa biographie et sa bibliographie, nous fait une longue introduction sur le sujet qui a occupé toute sa carrière, à savoir l’écriture intime.

Il n’y aura pas ce soir d’images subliminales. C’est l’histoire du journal intime qui nous est racontée, histoire illustrée de nombreuses anecdotes et de photos. Par ces photos de journaux, Philippe Lejeune veut nous convaincre de l’extraordinaire créativité des journaux intimes. Chaque journal est une œuvre d’art, un objet unique. On comprend mieux alors qu’il y ait consacré toute sa carrière.

Quelques notes prises pendant la conférence

Il n’existe pas vraiment de terme français pour décrire celui qui tient un journal intime. On parle de « diariste », un terme emprunté au vocabulaire anglais.
Le diariste a une image dévalorisante, il serait une sorte de « rond du cuir de lui-même », un être régulier et obsessionnel, pas tout à fait faux Monsieur Lejeune !

D’ailleurs l’affiche de l’exposition organisée par la bibliothèque municipale de Lyon nous montre un chat noir, certes sympathique, mais qui couvre un journal de ses empreintes de façon régulière et monotone. Une affiche pas si anodine, où l’on retrouve la nature scolaire et rigide du journal, tout en admettant qu’il s’agit bien de laisser une trace dans la vie .J’aime beaucoup cette notion de trace pour ma part car c’est sûrement le sentiment moteur de la création et de la mise à jour de ce site internet.

La question se pose de savoir si le diariste est plus narcissique que la moyenne. Pas forcément, car les non diaristes peuvent l’être aussi or on ne peut pas reprocher au diariste d’embêter ses co-génères avec ses problèmes existentiels, tout solitaire qu’il est.
Philippe Lejeune parle ensuite du difficile exercice qu’est la relecture de son journal .En effet, si le passé est merveilleux, on ne peut que le regretter et si l’on a commis des erreurs, il est trop tard pour revenir dessus.

Sur la forme : les images parlent d’elles-mêmes; chaque diariste reste fidèle à sa propre stratégie, possède sa propre tenue graphique. L’information contenue dans la graphie d’une personne ou sa façon de disposer le texte sur la page est une information sur cette personne. L’écriture est un corps, elle vieillit et porte les stigmates du temps. Pourtant il est frappant de constater comme l’écriture peut être fluide et non raturée chez de nombreux diaristes. Illustration faite de plusieurs photographies de journaux, on comprend mieux pourquoi Philippe Lejeune s’insurge contre la version éditée de certains de ces journaux, qui, s’ils sont fidèles au fond, trahissent la forme.

Sur le fond : le journal est une mémoire, un accompagnement de la vie ou un soutien en cas de traumatisme. L’écriture est souvent élaborée, décantée, filtrée tout au long de la journée, ce qui explique justement qu’elle serait si fluide. J’aime aussi beaucoup cette idée que l’écriture, même brève s’appuie sur un travail cérébral de toute la journée. Le diariste filtre et condense la vie. Son journal, le prépare à la vie demain.

Puis Philippe Lejeune nous parle de son travail au sein de l’APA (Association Pour l’Autobiographie) qui se propose de collecter et conserver les journaux intimes, à ce jour environ 2500 dépôts.

L’heure tourne, chacun a le stylo qui le démange. Je profite de la pause questions à la salle pour évoquer le sujet de l’écriture numérique.
En effet, Philippe Lejeune vient de nous parler avec un tel enthousiasme du journal intime manuscrit que j’en viens presque à regretter mon caprice hig-tech de la semaine : à savoir un notebook asus, sorte de mini-ordinateur simplifié, si girly avec sa petite façade violette. Je me vois déjà voyageant avec partout en France et dans le monde. Car voyez-vous, Monsieur Lejeune, si j’ai le goût de l’écriture, intime ou pas, j’ai perdu depuis longtemps le goût de l’écriture manuscrite. D’une part parce que je ne suis pas particulièrement fan de mon écriture, d’autre part, parce que ma pensée s’est aussi informatisée avec le temps. Par là, je veux dire que je tape aussi vite que je pense (et vise versa) et que je ne cesse de me relire, de copier/coller, de reprendre, de développer ou au contraire d’alléger. Tout ce que j’écris, public ou privé, est donc bien une écriture spontanée mais revue et corrigée, parfois immédiatement, parfois plusieurs jours après le premier jet. Voilà Monsieur Lejeune, je suis un peu perfectionniste et le cahier à spirales n’est plus mon ami. Après votre brillant exposé, me voilà toute chagrine de savoir que ce que je vais gagner en style et en satisfaction de la copie bien propre et bien claire, je vais le perdre en spontanéité, en mise en page, en expression artistique. C’est sans compter que vous avouez être vous même un diariste informatisé. Sans-doute souffrons-nous du même désir de perfection ? Nous avons malheureusement peu de temps pour aborder l’univers d’internet et des blogs. Dans les blogs vous voyez un désir de séduire autrui et une cohérence et constance dans le temps. Le blog est pour vous un village, un hameau. D’après vous, internet est un immense champ de bataille où l’on enterre pas les morts. Rendez-vous pris pour une autre rencontre sur ce sujet qui mérite une conférence en soi.

Merci à Monsieur Philippe Lejeune, de nous avoir communiqué sa passion pour l’écriture intime et d’avoir rendu aux diaristes réguliers ou occasionnels que nous sommes, l’estime qui revient à ce genre, pas si mineur qu’il semble être.

En savoir +

APA (Association pour l’Autobiographie) : http://www.sitapa.org

Le site de Philippe Lejeune : http://www.autopacte.org/

Publié le 23/07/2014, modifié le 23 mars 2017

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